Yves Dutour, en puisant notamment dans le Mémoire Instructif de Laurent Joseph Gensollen datant de 1730 qui est conservé aux Archives Municipales d’Aix sous la côte DD16, a ressuscité l’affaire dite des eaux de Barret (ou Baret). Pendant 20 ans de 1705 à 1725, des propriétaires de lavoirs et de moulins dans le quartier du Barret, entrèrent en conflit ouvert avec la municipalité d’Aix en Provence. En effet certains propriétaires en voulant augmenter le débit des sources d’eau qu’ils exploitaient, asséchèrent progressivement les sources de la ville d’Aix. Il s’en suivit plusieurs procès dont certains furent gagnés par les exploitants. En définitive ce fut le Marquis de Vauvenargues (père du moraliste) qui vers 1722 ordonna de reboucher brèches et tunnels creusés au voisinage du Barret. Il fit ériger une pyramide sur la source principale. Aix retrouva son eau et sa tranquillité.
Cet épisode laissait entrevoir que l’alimentation en eau de la Ville était uniquement corrélée au débit des sources de Barret. Malheureusement cette hypothèse ne rendait pas compte des mesures de température des sources d’eau, plus chaudes dans la ville d’Aix qu’au voisinage du Barret. Y. Dutour, passe en revue différentes hypothèses pour expliquer cette différence de température, dont celle de l’ancien volcan de Beaulieu, situé à proximité de Rognes dans le domaine viticole du Chateau de Beaulieu où une autorisation est nécessaire pour y accéder.
Finalement l’explication actuelle fait appel à un système de failles géologiques présent dans le sous-sol d’Aix-en-Provence et qui permet d’expliquer la remontée des eaux chaudes. La ressource hydrothermale captée en ville résulterait vraisemblablement du mélange d’une circulation régionale profonde, lente, chaude et ancienne, avec un circuit d’eau tiède, plus local, moins profond et plus jeune. La recharge du système hydrothermal se fait à une température de 12-15° sur les flancs du massif de la Sainte-Victoire. Ces eaux se réchauffent vraisemblablement à une température de 40 à 45°, en s’infiltrant à une profondeur de 1000m. C’est ensuite à une profondeur plus faible, d’environ 150 m, que les eaux thermales chaudes se mélangeraient avec l’eau d’un aquifère local plus froid (17 à 22°). Le résultat de ce mélange produirait une eau thermale à une température de 26 à 34°, telle qu’on la mesure dans les différents captages de la ville d’Aix. Le temps mis par les eaux issues de la Sainte Victoire pour atteindre Aix et alimenter les sources de la ville est estimé à 1000 ans. Au contraire, les sources de Barret seraient nourries principalement par un aquifère local sans exclure la possibilité d’un faible apport d’eau chaude provenant des profondeurs. La température de l’aquifère local reste compatible avec des relevés effectués par Y. Dutour dans le quartier du Barret. Le temps de transit de l’eau est ici de l’ordre de 1 à 10 ans.
Schéma de principe illustrant la circulation souterraine des eaux chaudes (en rouge) et tièdes (en vert). Un mélange entre ces deux apports s’effectue à l’endroit d’une faille géologique située dans le sous-sol d’Aix. On notera que le temps de parcours mis par l’eau de la Sainte Victoire (recharge régionale), pour se réchauffer et arriver à Aix est estimé à 1000 ans. Cette estimation reposerait sur une mesure de la concentration en Tritium présent dans l’eau (UT unité Tritium). Le forage profond a été réalisé vers 1999, par le Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel (CHYN) mandaté par la ville d’Aix en Provence pour effectuer une expertise de l’état du gisement hydrothermal. On peut encore observer, fichée en terre non loin de l’entrée de la Coulée Verte, une tête de forage abandonnée.
Le schéma est tiré d’une publication datant de 2003, par FD Vuataz, P Rossi et al.
Hubert Capes
Source couverte au voisinage de l’avenue de Villemus
Tête de forage près de l’entrée de la Coulée Verte