Le confinement et le choléra à Aix en 1835

 

Au mois de juillet 1835, l’épidémie de choléra qui sévissait depuis six mois dans le midi de la France, atteint Aix-en-Provence. En six semaines, elle frappe 560 personnes dont 333 mortellement, sur une population de 22575 habitants. Les victimes sont surtout des vieillards et les pauvres du centre urbain, Si la notion de contagion n’est pas toujours admise, l’insalubrité est unanimement reconnue pour favoriser le choléra. Comme dans toutes les villes de son époque, l’hygiène publique à Aix est déplorable. Tout cela est dû, en grande partie à la faiblesse de l’adduction d’eau. Le choléra est l’une des raisons de la prise de conscience des problèmes posés par l’hygiène publique. La construction d’un barrage voûte dans les gorges de l’Infernet, conçu par François Zola dès 1837, en est la première manifestation concrète.

L’embarras des médecins de l’époque n’est pas sans rappeler celui des médecins d’aujourd’hui face au Covid 19. La médication employée témoigne de la perplexité du corps médical. L’abus d’infusions sucrées, les liniments et les cataplasmes comme les fortifiants alcoolisés ou les frictions épuisent les malades déjà affaiblis. Seuls l’opium et le laudanum peuvent agir comme analgésiques et astringents et avoir quelque effet salutaire. Les signes cliniques du choléra le désignent comme une grave infection gastro-intestinale. L’accent est donc mis sur le régime alimentaire. Il faut une nourriture saine et s’abstenir de consommer certains aliments tels « le choux, le porc ou la langouste… ». Il est recommandé d’avoir  « un bon moral », et d’éviter « l’air humide et froid ». La presse insiste sur l’impuissance médicale. « L’épidémie cholérique a démontré aux médecins une funeste vérité, à savoir qu’il y a des causes morbidiques tellement puissantes, que le médecin clinique ne saurait lutter contre elles avec succès… ». Ce sera en 1854 que le bacille virgule responsable de l’infection, sera découvert par Filippo Pacini.

Quelles sont les mesures de confinement mises en place pour combattre la propagation de l’épidémie. La municipalité, galvanisée par un maire énergique et efficace, Antoine François Aude, jouera un rôle essentiel pour protéger et soigner la population en prenant un certain nombre d’initiatives pertinentes. Les rassemblements dans les lieux de culte  et les processions sont fortement déconseillés. L’idée de contagion gagne du terrain et entraîne le confinement des cholériques à l’intérieur de l’hôpital.  L’isolement à la campagne se révèle aussi une protection efficace. D’ailleurs aux premiers bruits de choléra, la plupart des familles de notables se sauvent, abandonnant leurs demeures à la garde d’un serviteur, laissant ainsi de vastes parties de la ville presque entièrement vides. Ce sont les classes laborieuses restées en ville qui fournissent le gros des contingents de cholériques. Enfin pour pallier le manque de personnel municipal, le maire emploie des chômeurs rétribués.

Finalement l’épidémie de 1835 à Aix disparaitra assez rapidement, ce qui permit à la Gazette du Midi sur un ton guerrier, de risquer une comparaison avec Paris où l’épidémie avait été plus durement ressentie.  « Voyez les massacres commis à Paris lors de l’invasion du choléra, comparez les brutales fureurs de ce peuple prétendu civilisé avec l’attitude calme et résignée de nos provinces sous le fléau qui les décime, et dites-nous ensuite où sont les lumières, où est la vraie moralité ». La Gazette du Midi mettait ici en parallèle la violence de l’épidémie avec les émeutes parisiennes lors de la Révolution de Juillet 1830 qui avaient porté au pouvoir Louis-Philippe.

Cette description est tirée en grande partie d’un article, AIX-EN-PROVENCE ET LE CHOLERA EN 1835, de Daniel Panzac, Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 86, N°119, 1974. pp. 419-444.

 

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